Adaptation du roman à la scène
L'adaptation pour le théâtre propose une partition textuelle ciselée et précise. Le roman est composé d'un prologue et de plusieurs épisodes suivis d'un épilogue. Les deux actrices racontent et incarnent à tour de rôle les personnages de l'amant, du père, de la mère, la famille, le voisinage, le jardin, les paysage et l'environnement de paula et brigitte. Les comédiennes jouent tout au long de la pièce sur trois modes d'expression - narration, incarnation, distanciation du personnage qui parle de lui-même à la troisième personne - de façon schizophrène et instantanée. Le spectacle Les amantes-version brute propose une véritable partition musicale, dont chaque "registre" a ses pulsations, ses rythmes et ses tonalités particulières.
L'espace circulaire représente tous les obstacles auxquels se confrontent les deux jeunes femmes brigitte et paula. Un espace fermé, duquel on ne pourrait s'échapper. Une arène où se livrent des combats qui se terminent en un champ de bataille. Le public installé aux premières loges peut potentiellement représenter les gens, le village, la famille mais aussi le témoin de cette lutte vitale. Il peut les observer à la loupe, brigitte et paula n'échappent jamais à la surveillance des autres. Nous sommes dans un monde clos, un microcosme qui se veut utopique. Le mouvement général est circulaire comme les aiguilles d'une montre qui déraille et file à toute allure.
De façon chorale et chorégraphiée les comédiennes sont des porte voix, les personnages s'assurent une existence par les mots. La langue est crue, elle sert à mettre aussi à nu l'insatisfaction des femmes et l'esclavagisme sexuel dont elles sont victimes.
La langue et les situations suscitent néanmoins le rire.
Dans ce dispositif la parole d'Elfriede Jelinek circule de façon d'autant plus sauvage que l'humeur est joyeuse et
fougueuse.
Intention artistique
Nous choisissons pour cette version brute que les spectateur.ice.s et les interprètes se
retrouvent dans le même
espace et dans un autre rapport frontal que celui que nous connaissons au théâtre.
La scénographie est dépouillée, l'éclairage simple et une présence discrète des artifices
techniques aident à
l'immersion des spectateur.ice.s. dans l'histoire qui se raconte devant eux.
La présence des personnages et leur environnement reposent sur le jeu des deux actrices.
Une fois entré.e.s dans le cercle, les spectateur.rice.s et le duo des actrices-narratrices ne
quittent plus le plateau.
Le public est sans être pris à partie, un témoin de l'histoire et spectateur actif.
Crédit photo Gaëlle Heraut